Médecin, hôpital, Sécu...
Le système de santé français, vaste sujet. Cent fois réformé sans ne jamais satisfaire ni les usagers ni les acteurs de soins. Il reste toutefois une des meilleures, voir la meilleure, prise en charge de santé publique au monde.
En tant qu’infirmier, je côtois au quotidien les dysfonctionnements du système.
L’hôpital est une grosse machine issue d’une évolution historique assez insolite. Autrefois basé sur le dévouement religieux des sœurs, l’hôpital a toujours été au service de la population et surtout des plus démunis ; un établissement à but non-lucratif où le médecin était une référence, un chef de clinique respecté et dévoué à sa mission.
Depuis, la population, les missions et les soignants ont changé, mais l’hôpital souffre encore de nombreux reliquats de son passé.
En 2009, l’hôpital est toujours organisé, quoiqu’on en dise, autour des médecins. Chaque médecin organise son service et régule son organisation selon son propre chef. Les patients, les soignants paramédicaux, les laboratoires, les services d’imagerie médicale (radiologie, scanner, IRM) et tous les divers intervenants hospitaliers gravitent autour des médecins et interviennent en fonction de l’organisation de ce dernier. La seule limite d’un médecin… c’est un autre médecin.
Cette situation crée une désorganisation complète de l’hôpital, aucune coordination entre les services n’est possible. Les victimes ? En premier lieu: les usagers, en second lieu: le reste du personnel. Si les médecins restaient un maillon de la chaine au service du patient, la machine fonctionnerait avec beaucoup plus de fluidité. L’artillerie hospitalière devrait s’organiser et s’articuler autour des patients. Mais comme m’a dit récemment un praticien hospitalier: « c’est le patient qui vient à moi, ce n’est pas moi qui vais au patient ».
Les médecins ont la main mise sur le conseil d’administration de l’hôpital et tiennent les ficelles de l’établissement en y trouvant leur compte, que se soit qualitativement ou financièrement. Il est bien loin le temps du serment d’Hippocrate… cessons la langue de bois et l’hypocrisie.
Personnellement je pense que le travail d’un médecin est de soigner et non de manager et d’organiser un système, chacun son travail.
La loi Bachelot lance un pavé dans la mare et enlève le pouvoir décisionnel et organisationnel des médecins. Ces derniers restent la référence pour définir la stratégie médicale, mais les missions, les objectifs et les investissements sont fixés par une agence indépendante à l’établissement, l’ARS. L’ARS confie au chef d’établissement les objectifs en fonction des besoins de la population concernée, aux médecins de mettre en œuvre leur art pour y répondre…
Les investissements et le développement des centres hospitaliers doivent répondre à la nécessité de la population et non aux desiderata ou au bon vouloir du corps médical.
La loi Bachelot redistribue les compétences en s’assurant que chaque intervenant reste dans ses aptitudes reconnues professionnellement… ultime doute: les agents de l’ARS seront-ils adroits, raisonnables ou restrictifs ?
Il faut également changer l’image de l’hôpital et plus généralement de la CPAM… Créée en 1945, la sécurité sociale apparait pour chaque français comme un concept normal, obligatoire et gratuit !
On n’oublie trop souvent que derrière chaque soin, chaque médicament ou chaque intervention, il y a un dû, et non des moindres. La CPAM est un outil de protection social indispensable, légitime et efficace dont nous avons la chance de pouvoir bénéficier. Mais n’oublions pas qu’elle est basée sur le principe de solidarité nationale. Ne pouvant individuellement régler les incommensurables frais médicaux, chaque français actif mutualise mensuellement pour les autres et pour soi-même. Ce concept est oublié dans les faits, les patients usent des avantages de la CPAM et de la pseudo gratuité: consultations à outrance, recours systématique au Service d’Accueil et d’Urgence, utilisation des ambulances privées par confort, médicaments jetés ou non utilisés, matériels loués et non utilisés à domicile (multipliant les décompensations des pathologies chroniques et donc les hospitalisations itératives), mauvais suivis des conseils de vie et de prévention (notamment les conseils diététiques, on préfère un médicament ou une injection à un régime !), mode et hygiène de vie très déconseillé (aliénant intoxication alcoolo-tabagique, mauvaise alimentation, sédentarité…).
Il est facile d’être libre, d’ignorer les conseils et de prendre tous les risques quand on n’en paye pas les conséquences. Chaque français est libre de consommer et de jouir du mode de vie qui lui convient. Mais dés lors où ce mode de vie coûte à l’Etat et par voie de conséquence aux contribuables, il atteint les limites de la liberté individuelle. Chaque bénéficiaire devrait se responsabiliser, la solidarité nationale n’annihile pas les responsabilités individuelles.
Il faut aussi dénoncer les abus des laboratoires pharmaceutiques, la CNAM est un bon client assurant prospérité et fond de commerce… il serait temps de régulariser les frais exigés par les laboratoires, de réduire les coûts du matériel médical et hospitalier (exagérément élevés), de délivrer les médicaments à l’unité selon les prescriptions et non plus par boîte et de réduire à 5 ans la durée du brevet d’exclusivité (permettant de multiplier les médicaments génériques).
Enfin, il faut revoir également les frais de fonctionnement de la Sécurité Sociale (12 milliards en 1999, dont les 2/3 sont consacrés au personnel).
Entre les médecins qui régulent l’hôpital à leur guise, le vieillissement de la population, les bénéficières qui abusent du système de santé et les laboratoires qui s’enrichissent sur le dos de l’Etat, le déficit abyssal de la Sécurité Sociale n’est pas prêt d’être comblé…
Ne rien faire c’est suicidaire, réformer c’est déplaire car tout le monde est incriminer… en ce contexte de grogne social, il fallait oser… en espérant ne pas avoir atteint le point de non retour.