Il faut l’avouer, notre département souffre de violentes caricatures. Le ch’ti est trop souvent assimilé à un alcoolique primaire, au chômage, imbécile et violent. Nous savons que cette malveillance est infondée. Mais, seul un certain Dany Boon a réussi à redorer notre blason. Jusqu’alors, malgré la longévité de leur mandat, les élus du Pas-de-Calais et du Nord/Pas-De-Calais n’ont jamais pu contrecarrer cette dérive...
Le gros problème, c’est que dans chaque caricature, il y a un fond de vérité. Les chiffres sont parlants et il faut absolument y remédier. Il s’agit d’une urgence vitale et non d’une simple plaie qu’il faudrait nettoyer.
La santé du département est marquée par trois gros points noirs :
1. les intoxications alcoolo-tabagiques et autres dépendances.
2. la surmortalité et la prévalence des cancers.
3. l’obésité et la surmortalité de causes cardiovasculaires.
Malgré les progrès de la médecine et les plans de santé régionaux, l’épidémiologie reste effrayante et aucune amélioration notable n’est venue éclaircir ce triste postulat.
Pourtant le rôle premier des élus est de protéger la population et de maintenir la sécurité, nous ne pouvons donc conclure qu’à une inefficacité des pouvoirs publics locaux et de leur politique sanitaire de santé publique.
1. Les intoxications alcoolo-tabagiques et autres addictions
14,4 % des Français avouent consommer quotidiennement de l’alcool. Dans le Pas-De-Calais, ce chiffre monte à 25%. La mortalité liée à la consommation d’alcool est deux fois plus importante dans notre département que la moyenne française. D’autres chiffres tout aussi alarmants sur le lien ci-dessous nous prouve à quel point il y a urgences en la matière.
http://www.orsnpdc.org/donnees/246771_1alcool05.html
Le drame prend encore plus d’ampleur en considérant les dégâts collatéraux : chômage, divorce, exclusion, violences conjugales, maltraitance familiale, isolement, annulation ou suppression de permis, dépression et suicide, accident de la route… c'est une spirale infernale!
Il faut absolument multiplier les services d’addictologie, les lits d’hospitalisation ou les services ambulatoires. Les services de proximité doivent être mobilisés et intervenir partout au quotidien dans ce sens en assurant un suivi personnalisé et un programme de soin adapté et contrôlé. C’est véritablement une prise en charge globale et constante qui contribuera à l’amélioration à moyen terme de l’état sanitaire et social.
La médecine du travail devrait systématiquement évaluer les conduites addictives et leurs conséquences physiopathologiques (prise de sang, radiographie pulmonaire, interrogatoire, observation clinique…) et offrir une possibilité de soins.
Il faut multiplier les postes de médecins addictologues, la formation et l’embauche du personnel paramédicale (Diplôme Universitaire), favoriser l'accès au centre de cure et augmenter le nombre de places de ces centres ou créer de nouveau centre, éduquer les familles et les accompagnateurs et permettre si possible la thérapie à domicile.
Des offres de soins doivent être proposées systématiquement par les services publics (CAF, ASSEDIC, CCAS…). Des dispensaires de soins doivent être développés au sein des zones urbaines sensibles (en partenariat avec les assistantes sociales, les médiateurs familiaux….)
Il faut absolument promouvoir la prévention au sein des milieux scolaires avec un travail ludique de recherche par les élèves. Beaucoup d’écoliers, de collégiens ou de lycéens souffrent des conséquences de l’alcoolisme au cœur de leur famille. Il faut leur donner l’opportunité de s’exprimer ou d’échanger sur le sujet, inciter les psychologues scolaires à promouvoir les entretiens (assurant discrétion et secret professionnel) afin de libérer les victimes directes ou indirectes et d’éviter de reproduire le schéma familial. Beaucoup de personnes souffrantes d’alcoolisme ont vu leurs parents victimes de cette maladie.
Il faut également multiplier les moyens de communication pour simplifier l'accès aux soins et réveiller les consciences. Très souvent, les alcooliques ne se rendent pas compte de leur dépendance et de l’agression que leurs corps subissent quotidiennement.
Mieux vaut prévenir que guérir. Il faut créer et développer les centres de dépistage et de prévention à proximité de l’hôpital regroupant les associations et les professionnels de la santé. Quel meilleur endroit que l’hôpital pour se rendre compte des méfaits de certaines addictions ?
C’est à la société et aux élus de venir en aide à la population. Faut-il rappeler que nous ne sommes pas tous égaux face à l’alcool : 10% des personnes ont une prédisposition à devenir alcooliques, c’est à dire qu’ils deviennent naturellement très vite dépendants du produit.
La réinsertion, le retour à l’emploi et un équilibre de vie ne sont pas conciliables avec l’alcoolisme. Si l'on veut être efficace socialement, il est primordial de lutter massivement contre les conduites addictives. On ne gagne pas un marathon avec un boulet au pied !
2. La surmortalité et la prévalences des cancers
Le Pas-de-Calais figure parmi les départements les plus affectés par le cancer. Le taux d’incidence français est de 504/100000 chez l’homme, dans notre département il monte à 669/100000 soit 132% de plus !
La région est caractérisée par une très forte incidence du taux des cancers des VADS (Voies Aéro-Digestives Supérieures), chez les hommes le taux d’incidence régional est le double du taux national ! Pire, nous sommes la seule région de France où le taux d’incidence n’a quasiment pas baissé entre 1980 et 2000 (-2%, alors que la moyenne nationale est de –25%). Encore une preuve du manque de travail de fond des autorités politiques régionales comparées aux autres régions.
Pire encore, la surmortalité par cancers tous âges confondus chez les hommes est de 25% et la surmortalité prématurée (c’est à dire les patients de – de 65 ans) est de 41,5 % ! Donc non seulement, la fréquence des cancers est beaucoup plus nombreuse dans notre région mais qui plus est, il est plus fatal surtout si les patients sont âgés de moins de 65 ans.
Ces chiffres sont issus de la synthèse du volet cancers du plan régional de santé et donc basés sur les déclarations de la CPAM.
Ce triste bilan est évidement à mettre en relation avec les mauvaises habitudes de vie des habitants du Pas-de-Calais. L’association alcool-tabac est dramatique à usage répétitif et quotidien. La lutte contre l’alcoolisme et autres conduites addictives par les moyens cités plus haut permettrait de baisser considérablement la mortalité et le taux d’incidence des cancers. La surmortalité témoigne du délai trop tardif de la découverte du diagnostic et de la profonde altération physique des patients au moment du traitement. Cumuler les intoxications rendent le pronostic beaucoup plus sombre.
Il faut donc renforcer la lutte contre le tabagisme, demander aux professionnels et aux patronat (surtout si ce dernier est une institution publique) une prise en charge des patchs anti-tabac, faciliter l’accés à ce type de traitement aux plus défavorisés (patchs remboursés par le Conseil Général par exemple).
Il faut également lutter contre la désertification médicale dont est victime le département. Nous avons un des plus grands centre universitaire médical à Lille mais une fois diplômés, les médecins, spécialistes ou non, quittent le Nord/Pas De Calais. Dans de nombreux secteurs géographiques, il y a un vide médical. Les médecins traitants permettent une médecine de proximité et un suivi régulier assurant une détection précoce (condition primordial pour le pronostic vital des cancers) et une éducation thérapeutique et préventive (permettant le sevrage et l'offre thérapeutique).
Le Conseil Général ou Régional pourrait offrir une prime d'installation aux médecins acceptants d'œuvrer dans ces zones vides de soins pour assurer une meilleure cartographie médicale et paramédicale.
Il faut également lancer des campagnes gratuites et systématiques de dépistage. La médecine du travail, les centres hospitaliers, les médecins traitants, la Sécurité Sociale ou les services sociaux doivent inciter fortement, surveiller et expliquer l'intérêt de ces dépistages rapides et non douloureux.
3. l’obésité et la surmortalité de causes cardiovasculaires
La surmortalité (nombre anormalement élevé de décès) au sein du département est flagrante:
Moyenne Française = 100% |
A tout âge |
Avant 65 ans |
|
Hommes |
Femmes |
Hommes |
Femmes |
Cardiopathie ischémique |
133.4% |
129.9% |
148.4% |
165.00% |
Maladies Vasculaires Cérébrales |
122.1% |
123.2% |
130.70% |
152.8% |
Indice comparatif de mortalité en % (comparativement à la France), source: CRS N/PdC
Les cardiopathies ischémiques se traduisent par des infarctus et les maladies vasculaires cérébrales sont couramment appelées des AVC. Ce tableau prouve qu'il y a urgence à agir !
Les facteurs responsables sont la malnutrition, le tabagisme et le manque d 'activité physique.
Il y a un lien direct entre la malnutrition et les facteurs économiques. Manger à très faible coût, c'est très souvent mal manger. Il faut donc continuer d'éduquer dès l'enfance par les programmes scolaires (un message passé les enfants est souvent entendu par les parents), lutter contre l'obésité infantile (favoriser le sport ludique à l'école et en dehors, faire des passerelles entre les séances à l'école et les clubs, financer la licence aux plus démunis, demander aux sportifs professionnels reconnus d'intervenir dans les classes).
Il faut lancer des programmes jumelés avec les marchés locaux et les commerçants volontaires pour accentuer la vente des produits plus sains, lancer des programmes de cuisine (enfants et parents) pour apprendre à travailler ces produits (ludique et educatif).
Il faut également apprendre à tous les lycéens et toutes personnes travaillant dans un lieu public (magasin, cinéma, restaurant...) les gestes de secourisme et l'utilisation des DEA (Défibrillateur Automatique Externe). Parallèlement il faut multiplier les DEA dans les lieux publics et privés. Ces gestes ne sauvent des vies que s'ils sont pratiqués au plus tard dans les 3 minutes qui suivent l'incident. Trop souvent la foule reste stoïque en attendant les pompiers et cette attente peut vite être fatale.
Cette mesure a de multiples intérêts, outre l'action curative et salvatrice, la connaissance de ces bonnes pratiques valorise l'action et les connaissances de chacun, rappelle que nous vivons en société et le concept de non-assistance, lance une action préventive avec un rappel sur les risques cardiovasculaires, valorise le CV et crée des emplois de formateurs secouristes.
Il faut également passer par la médecine du travail ou les services sociaux pour dépister les facteurs de risques afin de repérer et sensibiliser la population ciblée. Il faut également consulter la Sécurité Sociale, les médecins traitants et les centres hospitaliers pour lancer de vastes campagnes de prévention et d'éducation. Beaucoup de patients luttent contre le cholestérol en avalant quotidiennement un médicament alors que le traitement le plus efficace reste l'alimentation équilibrée et la pratique d'une activité physique de base (ex: la marche: un traitement gratuit et beaucoup plus efficace bizarrement peu utilisé !).
En conclusion, selon l'INSEE, au 1er janvier 2008, le taux de mortalité en France s'élève à 8.4 pour mille habitants, dans le Pas-de-Calais ce taux monte à 9,7 pour mille habitants. En 2008, le département comptait 1 441 422 personnes selon le recensement officiel de l'INSEE.
http://www.insee.fr/fr/themes/tableau.asp?reg_id=19&ref_id=poptc0226a
Le taux de mortalité de notre département est donc de 115,5 % comparativement à la moyenne française, soit 18 740 décès de plus par an que la moyenne des départements français ! Soit 51 décés de plus par jour !
Quand je disais qu'il y avait urgence ! Ces chiffres témoignent de plus de 30 ans d'immobilisme en matière de santé publique...pour prétendre être efficace et connaître les besoins de la population, il faut avoir le courage de dire la vérité et d'assumer ses échecs.